M. Cotteau présente la note suivante
Note sur le
genre Heterocidaris, nouveau type de la famille des Cidaridées
; par M. G. Cotteau (pl. IV).
M. Triger a découvert tout récemment dans l'oolithe inférieure de la
Sarthe un oursin fort curieux ; il sera décrit et figuré dans notre
ouvrage sur les échinides de la Sarthe, Cependant, dès à présent, nous
voulons appeler l'attention sur ce type nouveau, en fixer les
caractères, et rechercher la place qu'il doit occuper clans la série.
Cet échinide, remarquable non-seulement par sa taille énorme, mais
encore par le nombre et la disposition de ses tubercules, par la
structure de ses ambulacres et de son péristome, appartient à la
grande division des échinides réguliers, et ses caractères le
rapprochent à la fois des Cidaridées et des Diadématidées, sans
cependant qu'il soit possible de le réunir à aucun des genres qui
composent ces cieux familles; aussi n'avons-nous pas hésité à en faire
le type d'une nouvelle coupe générique à laquelle nous donnons le nom
d' Heterocidaris et dont voici la diagnose :
Test de grande taille, circulaire à l'ambitus, renflé et subconvexe en
dessus, presque plan en dessous. Interambulacres larges, garnis de six
à huit rangées de tubercules très gros, homogènes, scrobiculés,
fortement crénelés et perforés. Plaques interambulacraires beaucoup
plus longues que larges, légèrement infléchies au milieu. Granules peu
abondants, inégaux, entourant les scrobicules et remplissant, l'espace
intermédiaire. Ambulacres très étroits, un peu flexueux à la face
supérieure, pourvus de deux rangées de petits granules alternes,
espacés, distinctement crénelés et perforés, Pores simples, non
conjugués par un sillon, directement superposés ; montrant à la face
inférieure, sans cependant se multiplier, même sur les bords de la
bouche, une tendance assez prononcée à se grouper par triples paires ;
convergeant obliquement vers le milieu de l'ambulacre ; mais cette
disposition trigéminée n'est qu'apparente, et en réalité les pores
forment plutôt des demi-cercles sur le flanc externe des granules
(fig. h). Péristome médiocrement développé, subpentagonal , muni de
lèvres ambulacraires beaucoup plus étroites que les lèvres
inter-ambulacraires. Radioles allongés, cylindriques, couverts de
stries fines, longitudinales, et de granules épars et atténués.
Comme on le voit par les caractères que nous venons de lui assigner,
le genre Heterocidaris constitue un type singulier. Voisin des
véritables Cidaris par sa forme circulaire, ses ambulacres
étroits, subflexueux et garnis de granules, et par la structure de son
péristome, il s'en éloigne par ses pores affectant aux approches de la
bouche une disposition trigéminée, par ses plaques coronales plus
longues, plus étroites, et par conséquent plus nombreuses, et surtout
par les rangées multiples de gros tubercules qui remplissent ses
interambulacres. Ce dernier caractère donne à notre nouveau genre une
physionomie toute particulière qui le rapproche beaucoup, au premier
aspect, de certaines formes de Diadématidées, et notamment des
Astropiga de Gray dont toutes les espèces se distinguent par leur
grande taille, leurs ambulacres garnis de granules, leurs tubercules
interambulacraires très gros, homogènes, crénelés et perforés; mais ce
rapprochement entre une série d'échinides qui vivent à l'époque
actuelle et un genre spécial jusqu'ici à l'oolithe inférieure est plus
apparent que réel, et, quand on compare avec soin les deux genres,
non-seulement on cesse de les confondre, mais on reconnaît qu'ils
appartiennent, par la forme de leurs ambulacres et de leur péristome,
ainsi que par la disposition de leurs pores près de la bouche, à deux
types bien différents.
La seule espèce d' Heterocidaris que nous connaissons est celle
qui a servi à établir le genre ; nous la dédions à M. Triger qui l'a
recueillie dans l'oolithe inférieure du Chevain (Sarthe). Nous
rapportons à 1'Heterocidaris Trigeri une plaque
interambulacraire rencontrée par M. Babeau dans l'oolithe inférieure
des environs de Langres (Haute-Marne), au même niveau que les
Cidaris spinosa et courtaudiana. Ce fragment, bien que très
incomplet, suffit pour faire reconnaître d'une manière positive
l'espèce qui nous occupe. |
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Dans quelle famille doit-on placer le genre Heterocidaris ?
Faut-il, en raison du nombre et de la disposition de ses tubercules,
le réunir aux Diadématidées ? Ne serait-il pas plus naturel de le
laisser parmi les Cidaridées dont il présente les ambulacres et le
péristome ?
La famille des Cidaridées telle que nous la circonscrivons correspond
à la tribu des Angtististellés de M. Desor ; elle se compose d'un
petit nombre de genres tous parfaitement caractérisés par leur forme
circulaire et renflée ; leurs interambulacres garnis seulement de deux
rangées de gros tubercules ; leurs ambulacres étroits et plus ou moins
flexueux ; leurs pores simples du sommet à la bouche ; leur péristome
subpentagonal à lèvres ambulacraires très étroites. La plupart de ces
caractères se retrouvent dans le genre Heterocidaris. Deux
cependant font défaut : 1° les interambulacres, au lieu de deux
rangées de gros tubercules, en ont six et même huit vers l'ambitus, et
les plaques qui les supportent sont plus longues, plus étroites, et
par conséquent plus nombreuses que clans tous les autres genres de la
famille des Cidaridées; 2° les porcs ne sont pas simples du sommet à
la bouche, et affectent aux approches du péristome une tendance
trigéminée bien prononcée. Ces différences sont assurément
importantes; cependant elles n'offrent rien qui soit incompatible avec
les caractères essentiels des Cidaridées, et ne peuvent avoir qu'une
influence secondaire sur l'organisation de l'animal.
Notre genre au contraire, malgré cette ressemblance de physionomie que
nous signalions tout à l'heure, se sépare des Diadématidées par un
caractère de premier ordre, nous voulons parler de la structure de son
péristome qui est pentagonal, et muni de lèvres ambulacraires beaucoup
plus étroites que celles qui correspondent aux interambulacres, tandis
que chez les Diadématidées le péristome est toujours décagonal,
profondément entaillé, et remarquable par la largeur de ses bords
ambulacraires. A cette différence de structure se rattachent, d'après
les savantes observations de Jean Müller (1), de très importantes
modifications clans le système respiratoire.
Le genre Heterocidaris fait donc partie de la famille des
Cidaridées; mais il y forme un genre tout particulier, nettement
tranché, et que nous plaçons à la fin de la famille. C'est un type
très intéressant à étudier, en raison même de ses caractères
intermédiaires, et qui est aux Diadèmes à tubercules multiples ce que
les véritables Cidaris sont aux Diadèmes à tubercules simples.
NDLR : nous ne
présentons pas la planche associée à la diagnose, puisqu'elle a été
reprise à l'identique dans "Echinides de la Sarthe" et que nous la
présentons dans la description de l'espèce type. |