Acrosalenia/Milnia


                                              

 

Vous comme moi, lorsque nous tapons dans le formulaire d'un moteur de recherche le terme "Acrosalenia", il nous est systématiquement renvoyé des images ou des textes relatifs aux espèces suivantes :

  • Acrosalenia hemicidaroides

  • Acrosalenia spinosa

  • Acrosalenia koenigi

  • Acrosalenia lycettii

Par contre qui connaît réellement les espèces ou même se rappelle avoir lu des synonymes subjectifs ou objectifs comme ceux qui suivent ?

  • minutus

  • minuta

  • crinifera

  • laevis

  • radiata

  • pustulata

  • loweana

  • gananensis

  • lamarcki

  • mathildae

  • smelliei

  • wylliei

  • wiltoni

  • bouchardi

  • lens

  • interpunctata

  • radians

  • basseae

  • granulata

  • hunteri

  • termieri

  • microstoma

  • woodwardi

  • decorata

Bien sûr, certains anciens auteurs avaient la "gâchette facile" en ce qui concerne la création d'espèces nouvelles et bon nombre des noms ci-dessus pourraient être mis en synonymie (soit pour respecter le code international de nomenclature zoologique, soit parce que certains ne sont que des morphes intra-spécifiques, etc...). Mais ce n'est pas là ce qui nous préoccupe, je souhaiterais uniquement vous parler de ce dernier nom : Acrosalenia decorata, depuis nommé Milnia angularis, puis enfin : Acrosalenia angularis.

Je pense que ceux qui fouillent régulièrement dans le Bajocien et le Bathonien ont certainement rencontré cette espèce, ou l'ont carrément manqué puisque sa taille est ridicule : de l'ordre du centimètre ! Mais qu'importe, nous allons voir que cette espèce est bien particulière et que ses caractéristiques sont extrèmement tranchées, au point qu'il est difficilement possible de l'attribuer à une autre.

C'est Haime (1849, p.217, fig.1 à 3, pl.2) qui l'a décrite en premier, sous le nom de Milnia decorata. (cf. bibliographie, cote H, pour la réf. complète). A sa suite, plusieurs auteurs se sont accordés pour rattacher cet oursin au genre Acrosalenia (Wright, 1851 ; Forbes 1853 ; Cotteau, 1854 ; Forbes, 1854 ; Desor, 1856 ; Cotteau, 1856). Je vous passe le reste de la synonymie, elle vous est livrée en fin d'article, tout au moins pour les références anciennes présentant des figurations fiables, même si le nom n'est plus d'actualité.

Comme je l'ai dit plus haut, la thèque reste en moyenne de très petite taille, puisque la majorité  des spécimens ne dépassent pas le diamètre de 1.5 cm. Ce qui frappe le plus c'est l'allure vraiment sub-pentagonal à pentagonal, contrairement aux autres Acrosalenia, si ce n'est A. spinosa dont l'allure peut être sub-pentagonale. C'est donc notre premier critère discriminant.

Le test reste peu élevé, déprimé et donc pas du tout hémisphérique ou approchant comme chez A. hemicidaroides, par exemple. la face orale est concave.

Le second caractère discriminant et qui saute vraiment aux yeux, ce sont les aires ambulacraires qui sont très proéminantes, au poind d'être aussi élevées que les plus gros tubercules des aires inter ambulacraires. Elles sont également relativement étroites (env. 25% des aires inter A.). Contrairement à certains auteurs, je n'ai pu remarquer à aucun moment sur les exemplaires lorrains, que les aires ambulacraires puissent être légèrement sinueuses. A leur suite par contre, j'ai effectivement remarqué que leurs assules portaient des tubercules proportionnellement grands par rapport à la taille de ces dernières et que la surface des assules était couverte de très petits granules, serrés et aigus, donnant un aspect de papier de verre fin aux ambulacres. Les zones porifères très étroites sont concaves : elles renforcent l'impression de convexité des Z.A.

Le type de sériation porifère est globalement unigéminé droit, peu d'hétérogénéité en ce domaine, si ce n'est dans la région sous-ambitale où le type serait plutôt unigéminé onduleux.

Les aires inter ambulacraires ne sont pas convexes et contribuent ainsi à donner l'aspect pentagonal. Elles portent sur les exemplaires adultes entre 7 et 9 tubercules, parfois 10. Leur taille à l'intérieur de l'inter ambulacre est fonction de leur position : très petits près de l'appareil apical et grossissant peu jusqu'à l'ambitus. A cet endroit précis surgissent deux tubercules très gros, puis leur taille diminue progressivement jusqu'à la région péristoméale. De l'apex à l'ambitus (où se situent les deux gros tubercules) les aréoles sont ellipsoïdes et confluentes, ce qui n'est pas le cas des tubercules ambitaux où elles sont circulaires et non confluentes.

L'appareil apical est de grande taille par rapport à la taille de l'oursin : 1/3 à 1/2 le diamètre total de l'oursin. Le périprocte est excentré et allongé. Il peut également être sub circulaire à pseudo triangulaire, comme chez les autres Acrosalenia. La suranale est en fait composée de huit plaques (il n'est absolument pas exceptionnel qu'elles soient en place). Les 2 plaques génitales antérieures sont les plus grandes. La postérieure n'est représentée que par une "bordure" légèrement surélevée, du fait du périprocte très allongé.

Les entailles péri péristoméales sont profondes et étroite donnant réellement au péristome un aspect décagonal très géométrique (difficile à observer, car la face orale étant concave, les sédiments l'emplissent). Le péristome représente pratiquement plus de la moitié du diamètre de l'oursin.

Je ne vous parlerai pas des radioles à propos des spécimens lorrains, je n'en ai jamais trouvé en place. Les figurations qu'en donnent les auteurs britanniques montrent des piquants primaires longs et lisses, pointus, un peu comme ceux de A. Lycetti

Encore une fois, cet oursin est bien difficile à confondre réellement avec les autres Acrosalenia. Si on se résume, ses caractères particuliers sont :

  • forme pentagonale ;

  • plaque suranale composée ;

  • zones ambulacraires étroites et très proéminentes ;

  • zones inter ambulacraires pas du tout convexes ;

  • tubercules inter A. supra ambitaux de taille très réduite

  • face orale concave.

La seule espèce réellement approchante serait A. spinosa, lorsque les spécimens observés sont déformés et sans appareil apical. Toutefois et c'est en ce sens que le genre Milnia a finalement été réutilisé par certains, on observe facilement l'échancrure périproctale étroite et très prononcée. le genre "Milnia" montre une extension stratigraphique allant de l'oxfordien au Kimméridgien d'après la majorité des auteurs. Problème ! Les exemplaires lorrains sont récoltés en nombre dans le bathonien inférieur (formation de la Caillasse à Anabacia) daté sans aucun doute possible par de grands spécimens de Parkinsonia (Gonolkites) des espèces suivantes : fretensis, gyrumbilica, ainsi que par le microconque afférent : wurttembergica. D'autres espèces et genres typiques sont présents aussi : P. (G.) convergens, P. (G.) subgaleata, accompagnées de Procerites (P.) imitator, laeviplex ; Proc. (Lobosph.) tmetolobus, subprocerus. Le bathonien inf. est donc bien daté. Doit-on conserver le genre Milnia pour les spécimens du Jurassique moyen, ou doit-on les rattacher au genre Acrosalenia ? Réponse : le genre Milnia doit être considéré comme un synonyme subjectif de Acrosalenia (cf. infra), nous continuerons donc de nommer ces oursins Acrosalenia et son extension stratigraphique doit : soit être étendue au Jurassique moyen ; soit rester la même et dans ce cas créer une nouvelle espèce pour les formes du Dogger. En faveur de cette seconde solution, on peut noter que les interambulacres des formes lorraines sont bien plus proéminents que les chez les formes plus récentes de l'oxf. ou du Kimméridgien et que la taille moyenne de leur thèque reste inférieure de pratiquement la moitié (1 cm environ). Les zones porifères sont bien unigéminées et non trigéminées comme chez A. angularis. On note aussi une absence (tout au moins en Lorraine) de cet oursin entre le Bathonien et l'Oxfordien, mais dans notre région, le bathonien sup. et le callovien ne contiennent que très peu d'oursins pour des raisons de milieu. En fait, Agassiz (1846) a donné une première description de Milnia sous le nom de Hemicidaris angularis, qui doit donc être considérée comme espèce type par désignation originale antérieure : nous devons donc parler pour ces formes de Acrosalenia angularis.

On pourrait également imaginer qu'entre le bathonien où des formes unigéminées que je nommerais en tant qu'Acrosalenia sp. nov. A sont présentes et le Jurassique sup. et après, il apparaisse des formes identiques, mais à zone porifères trigéminées avec des z. ambulacraires moins proéminentes (A. angularis), il ne s'agisse que d'un trait évolutif et qu'il faille appeler ce plexus de formes : Acrosalenia sp. gr. angularis ou decorata.

Vous trouverez ci-après le début de la liste synonymique de A. angularis reprenant des références où cette espèce est parfois joliment figurée au travers de dessins dont la précision tient de l'obsession, tellement ceux-ci sont piqués au sens photographique du terme.

1849 - Milnia decorata HAIME, Ann. Sci. nat., (3), XII, zool., p.217, fig.1-3, pl.2

1852 - Acrosalenia decorata FORBES, Mem. of the Geol. Surv., IV, pl.3

1854 - Acrosalenia decorata COTTEAU, notes sur les Echinides de l'étag Kimméridgien du Dépt de l'Aube, Bull. soc. géol. Fr, (2), 11, p.355

1856 - Acrosalenia decorata DESOR, Synopsis des échinides fossiles, p.143

1856 - Acrosalenia decorata COTTEAU, Etudes sur les échinides fossiles, p.322

1858 - Acrosalenia decorata WRIGHT, Monograph on the british fossil Echinodermata of the oolitic formations, 1, p.249, pl.XVII, fig.1

 

Pour conclure, si des lecteurs fouillent dans le Dogger, je les remercie par avance de bien vouloir me faire savoir si ils ont déjà trouvé dans ces niveaux l'oursin en question (bathonien, callovien) et si la description que j'en donne correspond à ceux qu'ils possèdent. Des photos seraient les bienvenues ainsi que les dimensions précises. Je suis un peu perdu et de toute façon très seul à ce propos, vos commentaires ou idées seront donc les bienvenus.