Les pores

    

La première chose que l'on aperçoit lorsqu'on observe un oursin, ce sont en général ses tubercules s'il s'agit d'un beau Cidaris par exemple. Si l'on est en présence d'un irrégulier, on s'attachera à admirer ses ambulacres, si ils sont pétaloïdes. Que se cache-t-il derrière ces dernières structures ? Pourquoi, entre les aires interambulacraires des Cidaris, l'aire ambulacraire ondule-t-elle ? Pour répondre à ce genre de questions, il est nécessaire de prendre sa loupe et surtout de s'informer un peu, pour mieux comprendre la structure des zones ambulacraires. Bien souvent, c'est rébarbatif à lire. Eh bien croyez moi, ça l'est encore plus d'essayer de l'expliquer ! Je garde donc mon calme pour essayer de vous conter le miracle de l'arrangement de toutes les structures que nous allons décrire.

Les aires ambulacraires sont formées de deux colonnes de petites plaques (les assules). Chacune de ces plaques porte une paire de pores jumeaux (zygopores), qui correspondent à un podion unique (voir glossaire). Comme on le remarque aisément sur un oursin quelconque, les aires ambulacraires sont bien moins larges que les aires interambulacraires. Elles ne sont pas ornées de très gros tubercules qui pourraient renforcer leur solidité si elles pouvaient s'élargir. De plus elles sont perforées pour laisser passer les podia. Tout ceci relève donc de la pure mécanique : nous sommes en présence de plaques non renforcées et qui plus est, perforées. Pas bien solide tout cela ? Notre oursin aimerait bien augmenter le nombre de ses podia pour pouvoir aussi adhérer plus fortement à son substrat lorsqu'il se déplace : malheureusement pour lui, pour cela, il lui faudrait perforer de manière plus dense chaque plaque ambulacraire. Cela nuirait encore plus à la solidité du test ! Que faire, ou plutôt comment faire ? C'est ce que nous allons voir dans les lignes qui vont suivre, ou comment ces animaux ont répondu à cet impératif de solidité, tout en augmentant le nombre de leurs organes de fixation (entre autres).

Prenons par exemple les Cidaridés, avec leurs énormes tubercules : leurs zone ambulacraires semblent bien étroites. Si on fait un zoom sur celles-ci, on se rend compte que leurs assules sont très nombreuses (augmentation du nombre de pieds), mais très petites : donc, pas de gros radioles s'y rattachant pour protéger efficacement les podia. Ces assules sont allongées horizontalement et de très faible hauteur. Leur largeur ne peut augmenter indéfiniment sans que la solidité du test ne soit remise en cause. L'augmentation de leur hauteur réduirait le nombre de podia disponibles. Nos Cidaris n'ont pas su répondre complètement à leur problème !

Les oursins glyphostomes ont "inventé" une solution élégante : la soudure. Plutôt que d'étendre une plaque dans ses dimensions (elle ne comptera de toute façon qu'une paire de pores), il faut souder plusieurs plaques. Ainsi la solidité du test n'est pas remise en cause, on augmente le nombre de pores par plaque unique reconstituée et il reste de la place sur cette plaque pour former un vrai tubercule qui pourra supporter un piquant qui protégera les podia devenus plus nombreux.

Plutôt que de s'étendre en de longs discours, votre serviteur préfère vous livrer tous les termes relatifs relatifs à notre sujet et à la structure de cette aire ambulacraire, un peu comme dans le glossaire (pour le moment ce dernier n'est pas agrémenté des termes ci-dessous décrits). A presque chaque explication se rapporte un schéma.

Alors, allons-y :

  • Assules : Terme utilisé pour désigner les plaques ambulacraires qui sont de petite taille, comme on l'a vu ci-dessus.

  • Plaque Majeure : (dite aussi plaque composée ou primaire) Il s'agit d'une plaque ambulacraire formée par la soudure d'assules contiguës. Ainsi, la surface de cette unité étant nettement supérieure à celle d'une assule primordiale, il se développe un tubercule vrai sur chaque assule majeure. Notons que sans la présence de ces tubercules particuliers, il est très difficile de situer la suture en les assules primordiales. Seuls les doubles pores multiples sur une même plaque prouvent de manière indirecte que l'on a plus affaire à une plaque primordiale.

  • Oligopore : se dit d'un oursin dont les plaques ambulacraires majeures portent trois paires de pores au maximum.

  • Polypore : se dit d'un oursin dont les plaques ambulacraires portent plus de trois paires de pores.

  • Pores unisociés : type porifère présent chez les oursins ne présentant pas de plaques ambulacraires majeures (assules non soudées), par conséquent les plaques ambulacraires ne présentent évidemment qu'une paire de pores.

  • Pores bisociés : type porifère présent lorsque deux assules forment une plaque majeure : Oligopores.

  • Pores trisociés : type porifère présent lorsque trois assules forment une plaque majeure : Oligopores.

  • Pores plurisociés : type porifère présent lorsque plus de trois assules fusionnent en une majeure : Polypores.

  • Assules primaires : Assules qui occupent toute la largeur d'une demi aire ambulacraire (Cidaris, par exemple).

  • Assules secondaires ou demi plaques : l'augmentation du nombre d'assules dans l'ambulacre fait que souvent certaines n'occupent plus l'intégralité de la largeur du demi ambulacre. Elles sont repoussées distalement.

D'après les explications que nous venons de donner, nous pouvons, à la suite de Duncan (voir la page D en bibliographie), citer les grands types suivants, classés d'après la structure de leur ambulacre :

type explications cliquez pour le schéma
cidaroïde constitué uniquement d'assules primaires, pas de fusion pour former des plaques majeures.

Diadémoïde plaques majeures constituées d'assules primaires simplement superposées, le plus souvent au nombre de trois.

Arbacioïde plaques majeures constituées d'une assule primaire encadrée de deux assules secondaires.

Echinoïde plaques majeures constituées de deux assules primaires enserrant une demi plaque.

Phymosomoïde plaques majeures constituées de plus de trois assules secondaires disposées en rayons et encadrées par des assules primaires.

Echinothuroïde plaques majeures constituées par une assule majeure de grande taille encadrée par deux assules secondaires. Dans ce type les assules secondaires sont en position médiane et non distale.

Conséquemment aux explications ci-dessus, on peut distinguer les types qui suivent, permettant une "classification" dans la sériation des pores. Il ne faut pas se leurrer, il est difficile de donner un nom en pratique. Pourquoi ? Tout simplement, comme nous le verrons par la suite, parce que au sein d'un même ambulacre, la sériation peut être différente selon la portion de l'ambulacre que l'on observe. Jusqu'à trois sériations différentes peuvent se succéder du haut en bas d'un demi ambulacre. De plus la passation d'une sériation à une autre peut être tout à fait subite (vf. Gignoux 1933, p.79, fig.30). En tout état de cause, lorsqu'on décrit la structure de l'ambulacre d'un oursin, il faut éviter de prendre pour généralisation la structure proche du périprocte et du péristome. Celle située sur le reste de l'ambulacre est nettement plus significative. Toutefois, il faudra bien tenir compte de cette généralité et la signaler (en fonction éventuellement de l'ontogénie) lorsqu'on rédige une diagnose précise.

Les grands types de sériation porifère :

  • Pores unisériés : pores alignés verticalement sur une seule colonne. Cette colonne repère est unique pour toutes les plaques majeures successives (exemple : Orthopsis, Salenia).

  • Unigéminé : cf. ci-dessus pour les pores unisériés.

  • Unigéminé droit : la colonne de pores est strictement droite.

  • Unigéminé onduleux : la colonne de pores ondule, car sur chaque assule majeure les multiples paires de pores sont disposées en arc de cercle par rapport au tubercule de la majeure.

  • Bigéminé direct : contrairement au type unigéminé onduleux, l'arc de cercle décrit par les paires de mores est très accentué et permet de mettre en évidence deux colonnes verticales.

  • Bigéminé inverse : l'arc de cercle décrit par les paires de pores est concave vers l'extérieur du demi ambulacre. Il forme toujours deux colonnes de pores verticales.

  • Pseudotrigéminé direct : Comme dans le type bigéminé, les couples de pores médians sont rejetés distalement et alignés verticalement. Ceux du haut et ceux du bas de chaque assule primaire ne sont par contre plus alignés sur une seule verticale, ils sont décalés dans leur superposition et sont donc arrangés verticalement selon deux colonnes. Par contre, on remarque un alignement ternaire oblique (demi chevron) à cheval sur deux plaques contiguës.

  • Pseudotrigéminé inverse : L'alignement ternaire oblique est inversé par rapport au type normal.

  • Trigéminé : la zone porifère présente un alignement oblique ternaire pour chaque assule principale et les trois paires de pores sont strictement alignés verticalement d'une assule à l'autre.

  • Toxogéminé : Chez les polypores, le nombre de paires de pores sur chaque assule primaire ne permet parfois plus de distinguer un arrangement vertical ou oblique des pores. Seule reste la forme en arc de cercle.

  • Plurigéminé : la zone porifère possède des assules qui ont plus de trois paires de pores et leur arrangement se fait par colonnes, ainsi que (pour chaque plaque individuellement) obliquement.

  • Pseudoplurigéminé : type presque identique à celui plurigéminé, sauf en ce qui concerne l'arrangement oblique des pores : les arrangements obliques se poursuivent à cheval sur deux assules primaires consécutives.